L’exploitation sexuelle à Val-d’Or : une réalité.

Le CALACS de Val-d’Or s’intéresse à la problématique de la prostitution depuis plusieurs années. D’ailleurs, pour notre CALACS, la prostitution est une forme d’agression sexuelle déguisée par notre société sous prétexte que c’est un travail ou un choix. Les femmes et les filles qui se retrouvent dans une dynamique de prostitution s’y retrouvent pour plusieurs raisons et non par choix;

  • Les inégalités économiques et sociales auxquelles plusieurs femmes sont confrontées (salaires moindres, dépendance économique envers un homme, choix professionnel plus restreint, plafond de verre, sexualisation de l’espace public, messages sexistes tels ton pouvoir c’est ton pouvoir de séduction et de faire bander les gars….sers-toi en, etc. ajoutez-y les idées reçues ou messages entendus dans votre entourage ou dans les médias); ET
  •  la fausse croyance que les hommes ont besoin d’exutoire pour une libido incontrôlable et que les femmes doivent répondre à ce supposé besoin.

La prostitution c’est plusieurs choses, allant de celles qui doivent payer leurs factures ou leur loyer avec des faveurs sexuelles à celles qui ont été amenées à se prostituer par divers chemins incluant celui de la violence sexuelle. C’est surtout une industrie multimilliardaire qui comprend : la pornographie, les salons de massage érotique, les agences d’escortes, les bars de danseuses nues qu’on peut toucher depuis 1998, les donjons, les clubs échangistes, la prostitution de rue, la traite à des fins sexuelles, etc. Puisque l’exploitation sexuelle est encore un sujet tabou, plusieurs pensent que ce phénomène existe seulement dans les grands centres urbains. La prostitution est belle et bien présente dans notre MRC.

Le gîte L’autre porte en a d’ailleurs démontré l’existence en 2014-2015 en dressant un portrait régional : «Portrait de la prostitution en Abitibi-Témiscamingue, des services existants et des besoins.»

Portrait

  • 60% des participantes sont d’origine autochtone.
  • 50% des femmes sont âgées entre 31 et 40 ans. Toutefois, les tranches d’âges sont très variées.
  • 75% des participantes habitent la ville de Val d’Or.
  • 65% des femmes sont nées en Abitibi-Témiscamingue.
  • 53% des femmes sont célibataires.
  • 60% des participantes ne détiennent pas de diplôme d’études secondaires.
  • 88% des participantes ont des enfants, dont la majorité de ceux-ci ont entre 0 et 14 ans.
  • 71% ne vivent plus avec leurs enfants dont 39% les voient une fois par mois et 23% ne les voient jamais.
  • 45% des femmes habitent en logement régulier.
  • 84% des femmes reçoivent de l’Aide sociale, dont 100% de celles actuellement en situation de prostitution.
  • 67% des femmes ont un revenu se situant entre 0 et 200$ par semaine.
  • 67% des femmes vivant une situation de prostitution ont un revenu se situant entre 400$ et 600$ par semaine si elles incluent les sommes provenant de la prostitution.
  • 71% des femmes assurent seules les dépenses reliées à leur frais de subsistance.
  • 78% des participantes ont vécu une forme d’agression sexuelle ou d’inceste lorsqu’elles avaient moins de 18 ans et 69% à l’âge adulte.
  • 100% vivent ou ont vécu des problèmes de dépendance à la consommation à l’âge adulte et 61% lorsqu’elles étaient mineures.
  • 56% ont vécu étant mineures de la violence familiale et des situations de fugue.

Les constats :

  • 78% des organisations participantes estiment que les services offerts ne répondent pas aux besoins des femmes ou seulement en partie.
  • 89% des femmes participantes à la recherche souhaitent quitter leur situation de prostitution. Nous croyons qu’il est nécessaire de leur offrir de l’aide pour en sortir. Les femmes ayant vécu en prostitution ont besoin de se retrouver entre-elles et présentent des besoins spécifiques complexes qui demandent beaucoup de temps et d’énergie, une méthode d’intervention particulière et spécialisée ainsi qu’un besoin d’aide sur du long terme.
  • 94% des femmes participantes affirment qu’elles voudraient que les services soient spécifiques aux femmes.
  • Il faut également prendre en considération que 87,5% des personnes rencontrées par les organisations et vivant une situation de prostitution sont des femmes ou des jeunes filles.
  • 84% des femmes participantes disent qu’elles voudraient que les services soient regroupés en un seul et même endroit.

 

Pourquoi notre CALACS n’utilise pas le terme «Travailleuse du sexe»?

En nommant les femmes «travailleuses du sexe», nous croyons qu’on minimise la violence, la pauvreté et l’oppression qui mènent des femmes et des filles à la prostitution et les y confinent. Le terme «travail du sexe» légitime aussi l’industrie du sexe comme un secteur économique au lieu de la voir comme un système d’exploitation. Par contre, nous sommes aussi sensibilisées à certaines difficultés que l’utilisation du terme prostituée comporte :

  • Il s’agit souvent d’un terme très péjoratif, d’une insulte utilisée contre les femmes, qu’elles exercent ou non de la prostitution.
  • Dans la compréhension populaire, il s’agit aussi d’un terme restrictif, qui est moins englobant que la désignation «travailleuse du sexe».

Par conséquent, nous choisissons d’utiliser les termes prostitution et femmes en prostitution dans nos échanges et dans l’ensemble de nos interventions publiques.

Notre CALACS considère :

• que la prostitution relève de l’exploitation sexuelle des femmes et ne peut, en aucune manière, être considérée comme un travail légitime ou comme une façon acceptable d’accéder à l’autonomie économique;

• que la prostitution constitue une forme de violence principalement faite aux femmes, aux adolescentes et aux fillettes mais qui implique aussi des hommes, des adolescents et des garçonnets ;

• que la prostitution constitue une violation des droits humains fondamentaux ;

• qu’aucune raison n’est valable pour criminaliser les victimes de violence ;

• que les personnes en prostitution ne doivent, sous aucun prétexte, être victimes de discrimination quelle qu’en soit la forme ;

• que la vulnérabilité des femmes à la pauvreté et à la violence est accentuée par la discrimination liée à des facteurs sociaux tels que l’âge, l’origine ethnique, les problèmes de santé physique ou mentale, etc ;

• que la société offre peu de moyens et de ressources pour soutenir les femmes en prostitution qui y sont, majoritairement, sous la contrainte ou à cause de leur précarité socio-économique.

En alliance avec le Regroupement québécois des CALACS

  1. Nous réclamons de l’ensemble des pouvoirs publics et pour toutes les femmes en prostitution l’accès aux services sociaux, de santé, judiciaires et policiers sans discrimination ni préjugés ainsi que des formations spécifiques pour les intervenants-es des réseaux publics. Nous croyons aussi que toutes les ressources mises sur pied par des féministes (centres de femmes, CALACS, maisons d’hébergement), devraient être en mesure (outils et budgets) d’offrir aux femmes en prostitution les services et le soutien dont elles peuvent avoir besoin, incluant des moyens pour en sortir.
  2. En tant que groupes de femmes impliqués dans la campagne de sensibilisation contre la violence faite aux femmes issue de la Marche mondiale, nous réclamons de l’État québécois qu’une place soit faite dans cette campagne pour dénoncer la violence et la discrimination que subissent les femmes en prostitution. De plus, la campagne devra sensibiliser la population à la prostitution en tant qu’oppression spécifique faite aux femmes.
  3. Nous réclamons unanimement du gouvernement fédéral le retrait de tous les articles de loi qui criminalisent les pratiques exercées par les femmes en prostitution tout en conservant ceux qui concernent les clients et les proxénètes.
  4. Nous proposons qu’une consultation publique soit organisée par le gouvernement fédéral sur tous les articles du code criminel qui touchent la prostitution et l’industrie du sexe. L’élaboration de cette consultation doit se faire en partenariat avec les groupes de femmes spécifiquement impliqués dans la lutte contre la violence faite aux femmes.
  5. Nous réclamons des gouvernements fédéral et provinciaux la révision de l’ensemble des lois ayant trait à la violence faite aux femmes et de leur mise en application afin d’assurer aux femmes le respect de leur droit à l’égalité, la sécurité, la dignité et la protection de leur vie privée.
  6. Nous reconnaissons le droit pour toutes les femmes en prostitution de s’organiser afin de défendre leurs droits et d’obtenir des gouvernements fédéral et provinciaux un financement adéquat pour les organismes qui les représentent.
  7. Puisque nous nous opposons au trafic sexuel des femmes et des enfants, aux plans domestique et international, et que nous défendons la liberté pour toutes les femmes de voyager, de se déplacer et d’émigrer, nous revendiquons du gouvernement canadien et de tous les gouvernements du monde :
  • Que les femmes trafiquées puissent obtenir un statut de réfugiées ou la possibilité de retourner dans leur pays si elles le souhaitent.
  • Que les autorités étatiques, policières et juridiques ne puissent utiliser contre une femme son passé sexuel, le fait de pratiquer ou d’avoir pratiqué la prostitution ou son statut d’immigrante illégale ou d’apatride découlant du trafic sexuel.
  • Que les personnes responsables du trafic sexuel domestique et international soient criminalisées.

Autres recommandations du RQCALACS :

• de poursuivre la recherche, la réflexion et le débat sur les enjeux et les conséquences sociales liés à la possibilité de réglementation et de légalisation de la prostitution;

• de poursuivre la réflexion, l’analyse et le débat sur les répercussions possibles de la décriminalisation des activités pratiquées par les clients et les proxénètes ;

• d’approfondir, tant au Québec qu’au Canada, notre analyse de la situation de l’industrie du sexe et d’étudier l’impact de nos décisions en lien avec la problématique du trafic sexuel domestique et international ;

• de structurer un dossier sur les différents moyens déjà mis en place (ex : Suède) ou encore sur diverses pistes de solutions envisageables pour soutenir les femmes qui souhaitent se retirer de la prostitution.

En tant que RQCALACS,

  • Nous réaffirmons l’importance de la solidarité au sein du mouvement des femmes entre et avec les femmes victimes de violence.
  • Nous dénonçons la violence faite aux femmes à travers la prostitution.
  • Nous appuyons et soutenons les femmes en prostitution, dénonçons la violence et la discrimination qu’elles subissent et luttons avec elles.